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Pertes Et Fracas : Notes sur le Manque

Pamphlet haineux contre la vie

14 Septembre 2016 , Rédigé par Damien V. Isoard Publié dans #Notes

Quitte à aimer me direz-vous ne devrait-on pas commencer par aimer la vie ? Une construction permanente vers la destruction vous dirais-je. Tant de temps a vivre pour au final mourir.

Lorsque la foule m’entoure et que je me sens seul, la sensation d’être humain menace de m’engloutir. Qu’être humain si ce n’est être conscient que chaque acte est un pas nouveau vers notre perte ?

L’action alors est-elle dangereuse ? Car si chaque chose que l’on fait nous attire vers la mort, alors ne faudrait-il pas arrêter ? Cesser de faire preuve de la vivacité qui nous caractérise, cesser de se battre pour avancer, cesser même de respirer pour ne plus accélérer notre ascension vers le très haut ? Mais alors cela ne favoriserait il pas notre chute ?

L’inaction alors est-elle dangereuse ? Ne faudrait-il pas vivre chaque instant pour en une vie vivre ce que certains vivraient dans dix ? Essayer de vivre au jour le jour, suivant l’Épicurienne philosophie prônant “Carpe Diem”, et faire de chaque matin l’occasion de passer un « bonne journée »? Tel le vampire des légendes, boire la vie à la coupe jusqu’à la lie ? Mais ne prendrai-t-on pas trop de risques à vivre une telle vie ? Risquer de se détruire nous-même, et d’abréger le temps qu’il nous reste avant de rejoindre les bords du noir Styx.

Que faire alors ?

Que faire ?

Alors ?

Je suis fatigué.

Trop de temps passé à me poser ces questions m’a fait me renfermer et devenir l’ombre de ce que j’aurais dû être aujourd’hui. Je suis devenu aigri par une vie qui me dégoûte et me passionne. La folie me guette et menace de m’enlever à chaque seconde. Et si je sais que je dois faire face, si je sais que je ne dois abandonner car se rendre, c’est accepter, et que l’acceptation est la dernière phase, je sais aussi que chaque seconde que je passerais à me battre sera une seconde de plus vers mon dernier souffle. Ou celui de mes proches.

Car je ressens cela aussi et jusqu’au tréfonds de mon âme. Et me questionne encore. Pourquoi aimer, quand chaque personne risque à tout moment de vous être enlevée ? Et à cela aucune réponse ne me vient, et la mort elle-même se rit de moi en m’enlevant les personnes auxquelles je tiens, pour que jamais je n’oublie ce paradoxe de l’humain qui nous oblige à aimer mais aussi à souffrir a la perte de l’être cher. J’en ai fait l’expérience de part trop de fois dans ma vie et la dernière de celles-ci m’a laissé seul et affaibli, et à jamais je n’oublierais que l’attachement mène a la douleur, et la douleur à l’attachement. La vie est un circuit fermé et le temps qu’on perd a aimer, s’il pourrait être gagné en nous offrant toujours le plus grand bonheur, nous fait encore perdre des jours et des semaines avant le retour a la poussière. Et ce temps l’on le sacrifie sur l’autel de l’amour et ce avec plaisir et joie même lorsque l’on sait que ce temps, on ne le retrouvera jamais.

Je ne rattraperais jamais ma vie, et elle s’amuse a s’enfuir devant moi en me laissant dans l’ombre de mon amour déchu. Nous étions trop jeunes, bien trop jeunes pour nous aimer et bien trop jeunes pour nous imaginer la vie plus loin. Nous ne voulions pas vivre éternellement, non, juste vivre ensemble. Mais même cela était trop demander. Tout ce temps côte-à-côte nous a permis de nous découvrir au plus haut point, nous connaître au mieux. Puis la vie me l’a enlevé. Beaucoup me l’ont dit, c’est que son heure était venue. Notre vie serait écrite, de A jusqu’à Z ? Fadaises que cela, notre vie est une succession d’actions, mise bout à bout. Si elle n’était pas montée sur ce toit, si elle n’avait pas chu, elle serait toujours. Mais si elle m’avait rencontré plus tôt, n’aurions-nous pas passé ces vacances ensembles? Mais si je ne l’avais jamais connu, aurions-nous connu cette amie chez qui elle était le jour où elle tomba? Mais si nous ne nous étions pas disputés quelques jours avant son départ, que se serait-il passé ? Mes regrets seraient-ils aussi amers ?

Je suis las de ces questions. Elles me torturent depuis des années, tant d’années, trop de temps. Depuis quand elle est partie ? Six ans ? Sept ans ? Le questionnement perpétuel m’a laissé pantois et sans vie sociale. Qui voudrait d’un ami qui se torture sans cesse? Qui voudrait d’un amant qui est incapable d’aimer par peur d’accélérer sa perte ? J’en suis devenu l’opposé de ce que je voulais être.

Quand j’avais 14 ans, je pensais qu’a 18 ans, je serais marié, j’aurais bientôt des enfants.

Quand j’avais 16 ans, j’avais une fille a mes côtés, on avait des projets, on voulait des enfants pour nos 20 ans, bref, la vie nous appelait.

Quand j’avais 18 ans, j’avais peur de l’amour, mais un jour peut-être, quand j’aurais 22 ans me disais-je, j’aurais retrouvé une femme, nous voudrions des enfants.

Quand j’avais 20 ans, l’amour s’était mû en un rêve et un besoin, une sorte de but a atteindre, et il le serait bientôt.

Aujourd’hui, je me dis que je n’ai jamais atteint aucun des buts que je m’étais fixé pour ma vie, et que je ne suis pas prêt de le faire. Cela m’a rendu aigri, asocial, et a laissé ouverte en grand la porte pour que ce mal être grandissant m'envahisse. J’ai peur de ne jamais réussir à atteindre la relation parfaite que je voulais, et je crains l’âge adulte dans lequel j’entre car j’ai peur de le passer seul avec mes démons.

Je sais qu’il faudrait que je passe a autre chose, que j’ai du temps devant moi, et toutes les lapalissades que l’on peut me sortir chaque jour devraient un minimum me rassurer. Mais non.

Je parle de moi céans et ce depuis pratiquement le début. C’est le sujet de conversation (ou de monologue) que je préfère, car je me complais dans le « moi » que je suis devenu. Je suis narcissique, dévoué à ma propre personne. Cependant je n’ai aucune confiance en moi. Je ne suis pas un bel homme dans un monde superficiel, ni riche d’ailleurs. Je ne suis pas plus intelligent que certains, et certainement pas plus drôle. Je suis juste quelconque, un M. Toutlemonde parmi les autres. Cela je le refuse. Je ne veux pas mourir un jour en étant un sinistre inconnu. Je veux être exceptionnel et cela me fait souffrir, me rendant encore moins exceptionnel. Tant de ces questions me taraudent, n'ayant de cesse de me torturer et chaque jour, et chaque nuit, la torture s'accentue, car je sais que mon temps s'égrène durant ce temps. Et chaque jour, chaque nuit, ce qui me fait tenir en vie, c'est de me dire que la torture durera ce temps de moins.

Alors que faire ?

Et pendant tout cela, je pers du temps et je sais que chaque jour que je passe seul est un jour de plus que je ne passerais pas accompagné dans ce qu’il me reste à vivre.

Pour tout cela la Vie, ma vieille amie, que je connais depuis toujours, je te hais.

2014

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